
WATER-SENSITIVE URBAN DESIGN
Le water-sensitive urban design (WSUD) aussi connu sous le nom de Sustainable Urban Drainage Systems, Low Impact Development et Sponge Cities (ville éponge) (Fletcher et al., 2015; Yin et al., 2021). Cette théorie remet la gestion des eaux par un drainage efficace, au premier plan de l’aménagement urbain. Depuis l’élaboration et la popularisation de cette théorie, plusieurs innovations dans la gestion des eaux ont vu le jour, toujours dans l’intention de minimiser l’impact du développement urbain sur le cycle naturel de l’eau (Wu et al., 2023). Certaines de ces innovations comme les toitures vertes, les bassins et cellules de biorétentions, les pavés perméables et les saillies végétalisées sont des exemples bien connus de WSUD. Le principe du WSUD est particulièrement important depuis le tournant du siècle alors que les infrastructures urbaines vieillissantes sont à remplacer et que les changements climatiques augmentent les pressions sur les systèmes d’eau (un problème particulièrement important dans le contexte nordique.
Voici quelques principes clés du WSUD qui sont réutilisés dans le projet de restauration de Cheonggyecheon (Donofrio et al.):
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Protéger les systèmes naturels : protection et amélioration des cours d'eau, rivières et zones humides dans les zones urbaines.
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Améliorer la qualité de l'eau : réduction de la pollution des eaux de ruissellement.
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Restaurer l'équilibre hydrologique urbain : maximiser la réutilisation de l'eau (pluviale, grise et recyclée).
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Réduire la demande d'eau potable : favoriser la conservation et la réutilisation de l'eau.
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Intégrer le traitement des eaux pluviales dans le paysage : créer des habitats et des espaces publics tout en traitant les eaux pluviales.
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Réduire l'hydromodification : minimiser les pics de débit et favoriser l'infiltration et la recharge des nappes phréatiques.
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Créer des aménagements paysagers : inclure l'eau pour renforcer la valeur visuelle, sociale, culturelle et écologique.
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Minimiser les coûts et ajouter de la valeur : développer des solutions économiques et faciles à appliquer.

Figure 14 :The Seoul Cheonggye River, Project Location: Central Seoul, Korea, Client: City of Seoul, MYKD
La revitalisation de la rivière Cheonggyecheon à Séoul est un exemple de projet où le WSUD est un enjeu central. Sa transformation au fil des ans — passant d’une rivière à ciel ouvert à un cours d’eau recouvert par une autoroute, pour finalement redevenir une rivière découverte — a engendré de nombreux problèmes liés à la gestion de l’eau dans le quartier. La restauration de la rivière a permis de connecter les réseaux d’écoulement de flux avec la rivière Han et à des ressources traditionnelles telles que Bukchon, Daehangno, Jungdong, Namchon et Donhwamungil. Ce système de réseau, connu sous le nom de Ceinture culturelle de Cheonggyecheon (CCB), visait à établir une fondation culturelle et environnementale pour la ville (Harvard University, année). L’arrimage de ce système d’écoulement a eu plusieurs impacts positifs sur la biodiversité environnante. En effet Kim & Jung présentent les constats d’études réalisées sur la santé des écosystèmes qui recensent une hausse de la richesse et de la densité des organismes macro-invertébrés et des poissons (2019, P.62).

Figure 15 :The Seoul Cheonggye River, Seoul metropolitan government
Cette augmentation des espèces dans les environs s’applique aussi aux plantes et aux oiseaux, qui contribuent maintenant au maintien de ce nouvel écosystème. Les critiques du projet reviennent cependant sur le fait que celui-ci n’est pas authentique au niveau écologique. En effet, des quantités astronomiques d’eau, à la hauteur de 120 000 tonnes, sont pompées quotidiennement du fleuve Han, de ses affluents et des eaux souterraines des stations de métro pour la maintenir en vie (Harvard). Cet apport en eau de pompage requiert de puissantes pompes fonctionnant à l’aide de combustibles fossiles (Kim & Jung, 2019). L’enjeu du pompage est cependant rapidement discrédité par les nombreux bénéfices de la restauration de Cheonggyecheon. En effet, la qualité de l’eau aurait augmenté, les températures aux alentours du site baissé et une étude de Kim, Lee, and Yoon (2013) montre que la santé mentale des résidents qui côtoient la rivière se serait améliorée, notamment par l’augmentation du facteur de « marchabilité » (Kim & Jung, 2019).

Figure 16 :The Seoul Cheonggye River, MYKD.
On rapporte aussi que la réduction des îlots de chaleurs urbains aux alentours du projet réduit l’apport énergétique nécessaire à la climatisation des bâtiments environnants. L’un des impacts majeurs du projet réside dans le renforcement de la capacité de la ville à résister aux pluies abondantes et aux inondations. En effet, dans une ère où les enjeux liés à l’eau; où les inondations se multiplient à Séoul, Cheonggyecheon offre une nouvelle résilience ville face à ces enjeux. L’étude de cas sur le Cheonggyecheon Stream Restoration Project du Landscape Architecture Foundation rapporte que le nouveau projet permet de soutenir les déversements de 118 mm/heure. Ainsi, le projet contribue à une gestion plus efficace des eaux au centre-ville, pour lutter notamment contre les inondations. Le concept de robustesse de Bentley s’inscrit dans cet élan qui souhaite outiller le réseau d’aqueduc de Séoul dans la gestion des eaux. En effet, le développement des berges en gradins permet l’utilisation d’une partie du parc même lorsque le niveau de l’eau est plus haut.

Figure 17 : The Seoul Cheonggye River, flooded sidewalk along Cheonggyecheon Stream in Seoul, Xinhua.

Figure 18 :The Seoul Cheonggye River, torrents in Cheonggyecheon Stream in Seoul, Xinhua.
Pour conclure, certaines techniques empruntées du WSUD auront réussi à limiter les impacts négatifs des changements climatiques sur la métropole sud-coréenne. Outre l’amélioration de la qualité de l’eau, ce projet intègre de manière exemplaire des principes visant la restauration de l'équilibre hydrologique urbain. Il se distingue par sa capacité accrue à résister aux déluges, par l'intégration harmonieuse des eaux pluviales dans le paysage, et par la création d'aménagements paysagers mettant l'eau au premier plan. Le projet ne parvient toutefois pas à intégrer tous les principes du WSUD, notamment la réduction de l'hydromodification et la diminution de la demande en eau potable. Malgré cela, il a réussi à ramener dans la ville de nombreux avantage du système hydrique autrefois naturel, en le maintenant artificiellement. Ce cours d'eau, qui traverse une grande partie de la ville, enrichit la qualité de vie des citoyens en offrant un paysage visuel et sonore apaisant. Nombreux sont ceux qui se réjouissent d’avoir échangé le vacarme incessant de l’ancienne autoroute contre le doux son du ruisseau.